Hic et nunc

Je veux que mes désirs soient satisfaits ici et maintenant ! Traduite dans notre contexte actuel cette formule illustre le culte de l’immédiateté matérialiste auquel notre société de consommation nous a habitués.

Jeanne Hersch le disait autrement «  Nous n’avons qu’un rendez-vous avec le monde, c’est ici et maintenant » et dans un autre contexte  mais celui de Genève s’y prête tout à fait.

Vivre dans le passé ou dans le futur est une illusion qui ne répond pas aux aspirations du présent. L’être humain est capable de patience face à un processus dynamique uniquement. Nous n’acceptons de sacrifier notre présent  que si les efforts consentis permettent de profiter d’améliorations visibles ou prévisibles. Ainsi, on accepte de bouffer de patates pour se construire une maison, on subit une nuisance si l’on sait qu’elle n’est que passagère. Déplacements et logements répondent à cette même logique.

Dans un souci de bien-être futur, face à la menace d’une pénurie de place et d’énergie, notre gouvernement, prévoyant, nous incite à quitter nos habitudes de vie d’aujourd’hui en nous prédisant se faisant un mieux vivre futur.

Ainsi, pour continuer à nous déplacer sans encombre demain, il nous faut abandonner la voiture aujourd’hui et adopter les transports en commun. Le problème, c’est qu’aujourd’hui les transports publics ne sont pas prêts à absorber ce transfert modal (le seront-ils jamais ? ne vaudrait-il pas mieux parier sur la complémentarité des modes de transport ?). On le constate depuis trop longtemps, la mise en place de l’idéal nous empoisonne le quotidien. Cet idéal nous échappe et ressemble de plus en plus à une coûteuse illusion. L’usager a le mauvais sentiment de se faire voler son présent au profit d’un futur qu’il ne verra à l’évidence pas de son vivant. En reprenant le guidon ou le volant, il a au moins le sentiment concret de reprendre son destin en main. Le futur attendra.

Idem pour le logement. L’idéal reste de devenir propriétaire et la propriété rêvée reste un espace d’habitation suffisant, une maison avec jardin ou un bel appartement. Un rêve impossible à Genève mais réalisable en France ou Suisse voisine quitte à faire 50 km de déplacement par jour. La pénurie de logement est une réalité palpable, celle du pétrole reste hypothétique.  L’exode massif des Genevois  montre que ces derniers veulent vivre bien aujourd’hui, on n’a qu’une seule vie.

Le plan directeur 2030 ne plait ni aux propriétaires existants ni aux propriétaires aspirants, et pour cause. Cette vision nouvelle qu’on nous impose, ignore nos besoins d’aujourd’hui.  On nous promet des logements, des « requalifications structurantes » mais rares sont les réalisations récentes qui soient véritablement enthousiasmantes et porteuses d’un quelconque espoir pour un futur meilleur.

L’être humain est ainsi fait qu’il ne sacrifiera pas son présent pour les générations futures.

La construction territoriale ne se fait pas en effaçant l’existant. Que nous faudra-t-il pour cesser enfin de croire en une croissance infinie ?  Il nous faudra sans doute, hélas, passer par la douleur,  la crise et les erreurs  avant de mettre un frein à tous ces refrains de renouvellement urbain.

Il ne s’agit pas de défaire ce qui existe mais de construire en tenant compte de l’existant. A défaut on s’y casse les dents, comme Caucescu à Bucarest ou Braillard à Genève. Mark Muller joue au génie des Carpates. Au lendemain d’un réveillon bien assaisonné, il risque plutôt finir en triste sire du Nant du Bois de la Gueule…

15.1.2012

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